Coupures de presse

Assises de la mer. Comment les huîtres arrivent dans nos assiettes

Ouest-France – 04 Novembre 2015

Loïc FABRÈGUES

L’huître, appréciée surtout lors des fêtes de fin d’année, reste un met prisé des Français. Mais comment arrivent-elles dans nos assiettes ? Explications

 

L’ostréiculture n’a pas tourné le dos à son histoire. 150 ans après son invention par un certain Jean Michelet, maçon de profession, le chaulage des tuiles pour le captage du naissain se pratique toujours sur les bords du bassin d’Arcachon. Là même où est née la technique, les ostréiculteurs continuent à plonger leurs tuiles dans la chaux vive avant d’aller les installer dans leurs parcs aux premières chaleurs de l’été. Il s’agit, pour eux, de ne pas louper la ponte des huîtres avec la hausse de la température de l’eau.

Trois années de gestation

Il faut 21 jours, en moyenne, à cette ponte pour passer de l’état larvaire à celui du naissain dont la seule obsession est de se fixer sur une tuile où n’importe quel autre support. Les collecteurs ont, du reste, évolué avec le temps et se déclinent désormais en coupelle, tube ou bien encore pléno, un cadre plastique quadrillé de lamelles obliques. Les fêtes de fin d’année passées et le naissain levé, commencent pour les ostréiculteurs le détroquage de leurs collecteurs et la mise en poche des jeunes huîtres.Elles y restent en général trois ans installées sur des tables à une cinquantaine de centimètres au-dessus du sol. A marée haute, elles passent leur temps à filtrer l’eau pour y récolter leur nourriture. Au fur et à mesure de leur pousse, au printemps et à l’automne principalement, les ostréiculteurs en diminuent le nombre dans chaque poche. Une densité dont les professionnels savent jouer pour avoir des taux de chair plus ou moins élevés et ainsi proposer de la fine ou de la spéciale, la plus charnue.

A chaque parc, son goût

La situation des parcs est aussi un élément déterminant pour l’engraissement des huîtres. Elle lui confère aussi leur goût. Dans chaque bassin, la notion de crus, comme pour le vin, s’est développée. Huîtres d’Utah Beach, de Bouzigues, de Cancale, du banc d’Arguin, les appellations ne manquent pas. Marennes-Oléron a su, bien avant les autres, avec son indication géographique protégée (IGP) mettre en avant cette particularité liée à son terroir. Premier bassin en termes de production, devant la Normandie et la Bretagne nord et sud, Marennes-Oléron représente près de la moitié des huîtres vendues en France.

La production chute en raison de la mortalité

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La production chute en raison de la mortalité | Photo:Ouest-France

Sept ans après l’apparition des surmortalités sur les jeunes huîtres, les ostréiculteurs n’en ont toujours pas fini avec l’OsHV-1. L’herpès virus continue à décimer entre 30 et 50 % des cheptels un peu partout dans les bassins ostréicoles français.Une donnée suffit à mesurer l’impact des dégâts causés par ces surmortalités imputées à « des conditions environnementales défavorables associées à la découverte d’un variant de l’OsHV-1 », selon l’Ifremer. Entre 2008 et aujourd’hui, la production ostréicole française est passée d’environ 140 000 à 80 000 tonnes.

Des prix à la hausse

L’une des réponses des entreprises pour enrayer la chute a été de porter leurs efforts sur les approvisionnements. « J’ai, pour ma part, employer plus de personnel pour accroître mon captage et me laisser ainsi des chances d’avoir encore des huîtres à élever », explique Goulven Brest, le président du comité régional de la conchyliculture de Bretagne-nord. D’autres ont augmenté leurs commandes auprès des écloseries. Les coûts de production s’en sont ressentis. Á partir de 2011, ils augmentent de façon significative dans tous les bassins conchylicoles.La hausse du prix de vente moyen des huîtres, passé pour la consommation à domicile de 5,60 € le kilo en 2009 à 7,90 € en 2014, a permis aux entreprises de rester à l’équilibre. Mais c’était sans compter sur l’arrivée à l’été 2013 du Vibrio aesturianus qui s’est attaqué aux huîtres marchandes. Un phénomène heureusement en recul cet été 2015.L.F.

Le recours aux écloseries

L’été 2015 ne restera pas dans les annales pour le captage du naissain. Que ce soit en Charente-Maritime ou à Arcachon, le constat est le même. Les jeunes huîtres, destinées à être commercialisées d’ici trois ans au terme de leur cycle d’élevage, ne sont pas au rendez-vous. Dans les deux bassins où se fait 90 % de la reproduction naturelle des huîtres en France, l’eau trop fraîche de cet été a mis à mal les prévisions de récolte.La situation n’est pas inédite. De 2009 à 2011, la profession a déjà dû composer avec de très mauvais captage. Pour pallier le manque, une partie des professionnels s’est tournée vers l’achat de naissains en écloseries. « 60 % des entreprises ostréicoles », selon Gérald Viaud, le président du comité national de la conchyliculture, se fournissent, en complément aux approvisionnements en naissains naturels, auprès de ces spécialistes de la reproduction des huîtres en milieu fermé.

Huître « des quatre saisons »

« Depuis 2008, notre production a doublé pour atteindre les 4 milliards de bêtes », indique Stéphane Angeri, le président du syndicat des écloseurs (Senc). Dans les écloseries – une trentaine existe en France- il est possible d’acheter du naissain de diploïde, l’huître qui se trouve à l’état naturel, ou bien de triploïde. De 50 % en 2008, cette dernière représente « 80 % de notre production aujourd’hui », précise Stéphane Angeri. Ces huîtres dites des « quatre saisons » sont obtenues par le croisement de diploïdes et de tétraploïdes, dont l’Ifremer a la clé.Dotées de trois séries de chromosomes, comme la banane ou la clémentine, elles ne produisent que très peu de gamètes et ne deviennent donc jamais laiteuses. Une condition sine qua non, selon les utilisateurs de triploïdes, pour continuer à vendre des huîtres en été.L.F.


 

L’huître de Pen-Bé, la perle de fin d’année

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Depuis plusieurs jours, l’activité est intense dans l’entreprise familiale Josso, à Pen Bé, à Assérac.

Produit local à proposer à ses hôtes pendant les fêtes, les huîtres de Pen-Bé. L’entreprise familiale Josso en produit 50 tonnes par an, pour le plaisir du palais.

Un plateau d’huîtres sur la nappe blanche de la table du réveillon et c’est une vague de fraîcheur qui inonde la pièce. Un souvenir de vacances d’été au bord de la mer, au beau milieu de l’hiver. « Les huîtres, ça marche toujours autant. C’est la tradition des fêtes de fin d’année. Y’a pas beaucoup de familles qui n’ont pas d’huîtres au menu », se félicite Didier Josso, ostréiculteur à Pen-Bé, à Assérac, à la frontière du Morbihan.

L’entreprise, conduite par lui, sa femme Yolande, son fils Nicolas et son épouse Émilie, tourne à plein régime en ce mois de décembre. « On prépare entre 15 et 20 % de nos livraisons sur cette période. C’est concentré sur quelques jours. Le reste est étalé sur toute l’année, avec une autre pointe en été avec les touristes. » En effet, les huîtres ne sont pas qu’un fruit de mer d’hiver. Tant pis pour les mois en « R ».

Dans les parcs de l’entreprise Josso, chaque année, 50 tonnes d’huîtres sont produites, destinées à la vente au détail, en demi-gros ou gros. Mais la principale vente est consacrée au détail sur le marché de Guérande, sur un étal à Herbignac et dans la boutique de l’entreprise à Pen-Bé, ouverte tous les jours depuis septembre 2013. Là, on y trouve aussi d’autres produits liés à la mer, tels que soupe de poisson, moules, crustacés… Préparés par d’autres sociétés.

Depuis quelques jours, c’est un va-et-vient dans la cour. Les clients affluent. À chaque fois, la commande est prise en direct et les huîtres sont mises dans les bourriches. Sauf pour les grosses commandes. « Quatorze douzaines de N° 3 à préparer pour demain », prévient celui ou celle qui revient du téléphone ou de la boutique. Les cagettes de bois se remplissent et viennent se caler sur les palettes. L’aboutissement de trois années de travail.

Les manger nature

Trois années sont nécessaires pour que l’huître puisse être dégustée le soir de Noël. Trois années d’élevage. « On achète les naissains en écloserie. Mais l’on procède également, en moindre quantité, à des captages naturels devant chez nous, en mer, au large de Pen-Bé. Les petites huîtres mesurent alors entre 6 et 8 mm. Après ensemencement dans nos parcs, les huîtres grossissent. Mises en poches, elles sont dédoublées et placées dans des sacs de différents maillages, avec, à chaque fois, moins d’huîtres. Jusqu’à obtenir la bonne taille. »

Elles sont ensuite triées manuellement pour enlever les déchets et les trop petites.

En bout de ligne, elles passent sur la calibreuse électronique qui déterminera leur numéro. « De 1 à 5 en fonction de leur taille et non de leur âge, comme le pensent certains clients », précise Didier Josso, avant de glisser un conseil pour les consommer : « Oui, la sauce vinaigrette échalotes, peut-être pour les huîtres laiteuses, mais autrement, c’est nature. C’est comme cela qu’on ressent mieux la saveur et le goût de l’huître. Avec le petit muscadet qui va avec! »

Éric MARTIN.


 

Les huîtres de Pen Bé et la famille Josso

Depuis 1983, Yolande et Didier Josso produisent des huîtres creuses à Assérac. En 2008, ils se sont associés avec leur fils.

Les naissains, petites huîtres de 6 mois, (entre 6 et 10 mm), proviennent d’écloseries. Certains naissains viennent de captages naturels. Ils sont placés dans des poches à petit maillage dans les parcs. Il y a 1 000 à 3 000 unités par poche. Au fur et à mesure de leur croissance, les huîtres sont dédoublées pour favoriser leur évolution. Les poches d’élevage sont tournées régulièrement pour les mêmes raisons.

Au bout de 3 ans, les huîtres sont calibrées en fonction de leur poids et de leur taille. Avant la commercialisation, elles sont placées dans des bassins de purification. La production annuelle est de 50 tonnes.

Une boutique est ouverte sur l’exploitation. Les Josso vendent aussi sur le marché de Guérande et à Herbignac. D’autres coquillages fournis par des pêcheurs à pied professionnels, comme les coques, les bigorneaux ou les palourdes viennent compléter la gamme, ainsi que des huîtres plates de Cancale.


L’entreprise Josso vend ses huîtres dans sa boutique

Ouest France – Assérac – 18 Septembre 2013

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Aventure familiale à l’entreprise Josso. A Pen-Bé, où ils sont ostréiculteurs,ils proposent à la vente directe leur production d’huîtres et des coquillages et crustacés ainsi que des produits locaux dans la boutique qu’ils viennent d’ouvrir.

Difficile de trouver plus frais… Il n’y a qu’une porte à franchir entre le bâtiment où se trouvent les huîtres, tout juste ramassées dans les parcs voisins du traict de Pen-Bé, à Assérac, et le magasin. Yolande et Didier Josso, ostréiculteurs, tiennent l’entreprise avec leur fils Nicolas et sa compagne Émilie. Ils ont ouvert leur boutique le 20 juillet et proposent, en vente directe du producteur au consommateur, les huîtres de leur exploitation mais aussi moules, coquillages et crustacés ainsi que des produits locaux comme le sel de Guérande, la soupe de poisson, les rillettes de poisson et naturellement le vin blanc qui va avec.

« Depuis l’ouverture du magasin, on a senti une nette hausse de la fréquentation »,reconnaît Yolande Josso. Auparavant, « on faisait déjà de la vente directe, mais on manquait de place dans le bâtiment. Et puis, certains clients hésitaient à entrer, là où on travaille. Le public rentre plus facilement dans un magasin. »

Les portes seront ouvertes du lundi au samedi, de 9 h à 12 h 30 et de 15 h à 19 h et le dimanche matin. Pour éviter de se trouver devant des portes closes, pour raisons d’activités sur les parcs ou de vente sur le marché de Guérande, il est préférable que les clients préviennent de leur venue auparavant en téléphonant au 02 40 01 74 12. Même chose pour les récalcitrants à l’ouverture des huîtres ou à l’ébouillantage des crustacés. Ils peuvent commander à l’avance un plateau d’huîtres ouvertes ou des crustacés cuits.

Et toujours pour mieux satisfaire la clientèle, la famille Josso envisage à l’avenir « d’organiser des visites de l’exploitation et de proposer des dégustations huîtres ». Et pas seulement pendant les mois en R, car les huîtres, ça se déguste sans modération toute l’année.

Eric MARTIN.